Dans la matinée du Jour J, sur la plage de Juno Beach, secteur Mike, un char britannique
de type "Churchill" AVRE Petard quitte la plage. Le char qui appartient au
26ème Assault Squadron porte une fascine.
Derrière la ligne de dunes d'environ 4 à 5 mètre de haut se trouve une bande de terre
large de 200 à 400 mètres et qui est inondée. Après, on trouve une route puis un
champs de mine avant d'arriver sur la route qui va de Ver-sur-Mer à Courseulles.
Les chars "Sherman" fléaux contre les mines s'engagent dans le champs de mines
et commencent leur travail. Après 40 mètres de progression, une mine explose sous les
chenilles du premier "Sherman" qui se trouve immobilisé brutalement, de sorte
que le deuxième "Sherman" qui le suivait lui rentre dedans ce qui met hors
d'état son fléaux. Les 2 chars sont donc hors d'usage et restent comme appui-feu pour
l'infanterie qui commence à sortir de la plage pour pénétrer vers l'intérieur des
terres.
Entre-temps, le "Churchill" AVRE Petard avance sur la route et arrive devant un
cratère qui barre la route. Le "Churchill" s'avance pour balancer sa fascine
dans le trou, mais pris dans son élan, il glisse dans le trou et s'enfonce dans l'eau, ne
laissant plus apparaître que sa charge de fascines.
Les 6 hommes d'équipages réussirent à s'en échapper mais quelques minutes plus tard,
un violent tir de mortiers allemands en tue 3 (Lance-Sergeant Ashton, chef de char et les
Sappers Manley et Battson - ils seront enterrés quelques mètres plus loin sur le
bas-côté de la route - ils reposent aujourd'hui dans le cimetière militaire britannique
de Bayeux) et blesse sérieusement les 3 autres (ils seront évacués dans l'après-midi).
Le char disparu dans le trou, on doit enlever la fascine et un char transporteur de pont
dépose un élément de pont entre la terre et le toit du "Churchill". Comme il
n'y a pas de 2ème élément de pont à poser entre le toit du "Churchill" et
l'autre côté du cratère, on doit faire appel aux troupes disponibles sur la plage pour
ramasser des pieux abandonnés par les Allemands (ils auraient dû être utilisés comme
obstacles anti-chars), les transporter jusqu'au trou et essayer de le combler avec.
Peu à peu, et avec l'appoint de matériaux de toute provenance, le trou se comble et à 9
heures 15, le premier char "Sherman" DD peut traverser l'obstacle. Néanmoins,
après le passage du 6ème char, le pont commence à glisser de la tourelle du
"Churchill" coulé. La circulation est à nouveau interrompue, le pont devant
être relevé et consolidé.
4 autres chars passèrent puis un "Sherman" manqua la piste et alla s'embourber.
Il sera remorqué par un autre char et on sera obligé de rapporter des pieux pour
reboucher le trou creusé par le "Sherman". Plus tard, un canon auto-tracté
manquera le pont et il faudra 2 "Churchill" AVRE pour le tirer du trou.
Entretemps, un cheval et une charette avaient été réquisitionnés à un fermier qui pu
transporter les moëllons provenant de maisons en ruines jusqu'au trou pour le combler et
consolider ses abords.
Plus tard, une chappe de béton sera coulée sur le tout, consolidant définitivement
l'endroit et le "Churchill" disparaîtra totalement sous la route.
En novembre 1975, les Capitaines Cragg et W.D. Edmonds firent une reconnaissance
préalable des lieux et prirent des contacts avec l'administration française de
Graye-sur-Mer qui se montra tout à fait favorable à la récupération du char et à sa
restauration. La seule incertitude concernait le risque représenté par les charges
explosives qui étaient restées dans le char durant 30 ans (26 charges
"Pétard" et 26 charges de démolition "General Wade"), et par les
armes personnelles et leurs munitions.
Le mois de novembre 1976 voit le départ des opérations de récupération du
"Churchill". L'endroit est rapidement repéré, après quelques forages faits au
marteau pneumatique. La route est alors creusée et le char apparaît après 30 ans
passés sous terre.
Les 600 livres d'explosifs sont rapidement évacués du char et l'on procède également
à l'enlèvement des armes (dont une mitraillette Sten), des cartouches (une centaine),
des rations de combat (le chocolat sera encore comestible) et des effets personnels de
l'équipage de l'époque.
L'étape suivante consiste à extraire le "Churchill" de la gangue de boue dans
laquelle il repose. Il est décidé que 2 camions militaires le treuilleraient, eux-mêmes
étant maintenu par une ancre terrestre amarrée à l'avant des 2 véhicules (une ancre
terrestre consiste en 2 barres métalliques en "V" pourvues de 24 broches en
acier longues de 70 centimètres qui sont enfoncées dans le sol). Lorsque le signal fut
donné, le "Churchill" résista si bien que ce fut l'ancre qui arracha une
portion de la route dans laquelle elle était amarrée.
Plusieurs autres essais furent effectués, mais malgré la force de traction estimée à
120 tonnes et au sectionnement au chalumeau des chenilles qui, si le moteur était encore
en prise, devaient contribuer à bloquer le char, le "Churchill" ne voulait pas
bouger. Cela semblait incroyable qu'un char de 42 tonnes puisse résister à un tel
déploiement de moyens et d'efforts.
Le lendamain, la cérémonie eut lieu alors que le "Churchill" reposait encore
au fond de son trou et deux vétérans survivant du char (Bill Dunn et Bill Hawkins)
purent revoir leur char et les pièces de l'équipement qu'ils avaient abandonnés 32 ans
auparavant.
Peu après la cérémonie qui marqua également l'inauguration du monument dédié au 6
juin 1944 sur la plage de Graye-sur-Mer, M. J.R. Desmezières de Caen qui avait prêté sa
grue de 70 tonnes passa à l'action.
Finalement, dans un grand bruit de rupture de l'effet de ventouse qui immobilisait le
char, celui-ci s'éleva majestueusement hors de sa fosse, dégoulinant d'huile, de
pétrole et de boue.
L'Armée Française s'occupa alors de sa restauration et il fut installé comme monument
commémoratif près du croisement qu'il n'avait jamais atteint dans l'action du Jour J.
On considère ce "Churchill" AVRE Petard comme étant le seul encore existant au
monde.
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